Le magazine Archipels, sur France Ô, célèbre le 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale et le 70e anniversaire de la Libération avec la diffusion de plusieurs documentaires sur les combattants d’outre-mer. Au programme de cette soirée spéciale, la première diffusion télé de Jean Jules Joseph, un soldat créole, un film Daniel Picouly et David Unger, le dimanche 12 octobre à 14 h 45, puis à 23 h 45.
Jean Jules Joseph, un soldat créole est un documentaire né de l’enquête de l’écrivain Daniel Picouly, parti sur la piste de son grand-père pour découvrir l’histoire de ce soldat martiniquais envoyé sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Pour remettre à plat l’histoire et esquisser un portrait plus précis de ce proche parent, qui est resté comme un héros dans l’imaginaire familial, l’auteur interroge notamment des historiens spécialistes de la question, comme Léo Elisabeth et Sabine Andrivon-Milton. Un autre écrivain très concerné par la question y apporte aussi son éclairage : il s’agit de Raphaël Confiant, auteur du roman Le Bataillon créole, pour lequel il a opéré également des recherches sur les soldats martiniquais dans la Première Guerre mondiale.
Les investigations de Daniel Picouly le conduisent donc en Martinique où est né Jean Jules Joseph en 1893 avant de partir pour la Grande Guerre et la France et où il finira par s’installer. Ses recherches vont l’entraîner à découvrir les ambiguités du parcours de ce soldat.
Porté par les illustrations du dessinateur Jean-Denis Pendanx et l’inventive mise en images du réalisateur David Unger, cette plongée ultra-marine est une occasion, au-delà de l’histoire personnelle du romancier, de se pencher sur les réalités de la société martiniquaise pendant le premier conflit mondial. Et de s’intéresser au sort qui fut réservé, à 7 000 kilomètres de leur île, à une génération de jeunes hommes partis combattre en France ou servir dans ses usines d’armement. Au fil de son voyage, parti sur les traces d’un soldat dont les exploits ont marqué son imaginaire, Daniel va faire de surprenantes découvertes…
Le Métis de la République et Parcours de Dissidents, d’autres histoires de soldats
Le Métis de la République brosse le portrait de Raphaël Élizé. Né en Martinique, il a été le premier maire noir d’une commune de France métropolitaine. Destitué en 1940 par Vichy, Raphaël Élizé a rejoint la résistance. Arrêté, il est mort en déportation.
À 11 ans, Raphaël Elizé échappe à la terrible éruption de la montagne Pelée, qui ravage sa ville natale en Martinique. Sur le front de la Marne entre 1914 et 1918, il survit à la grande boucherie. Nommé vétérinaire à Sablé-sur-Sarthe en 1919, il est élu maire de Sablé-sur-Sarthe en 1929 et ré-élu en 1935. Il est le premier maire de couleur de France Métropolitaine, à une époque où dans le pays des droits de l’homme, persistent des courants politiques racistes et ségrégationnistes. Mais cette trajectoire, exemple d’une assimilation réussie au sein de la République, se brise net en 1940 lorsqu’il est destitué de son poste de maire par l’armée d’occupation allemande en raison de la couleur de sa peau. Résistant, il est déporté à Buchenwald où il meurt en février 1945. Ce film retrace ce destin exceptionnel et romanesque.
Le dernier documentaire de la soirée est signé Euzhan Palcy et porte sur la Seconde guerre mondiale et ceux « qui ont quitté leur île entre 1940 et 1943 pour rejoindre les Forces françaises libres du général de Gaulle ».
Sorti en 2006, Parcours de Dissidents est un documentaire de 88 minutes d’Euzhan Palcy. Il revient sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale : l’histoire des jeunes résistants antillais, les « Dissidents ». Ce film laisse une grande place aux témoignages et fait œuvre de mémoire. Mis en valeur par le commentaire lu par Gérard Depardieu et les images d’archives, ces récits redonnent à ces parcours individuels toute leur dimension historique. L’engagement de ces hommes est précoce ; c’est ce que révèle le documentaire. Il montre bien l’émergence de motivations qui tiennent à la fois au contexte antillais et à des logiques tout à fait comparables à celles qui prévalent dans la métropole. Les Antilles sont sous la coupe de l’amiral Robert, pétainiste zélé, qui établit un pouvoir personnel sur la Guadeloupe et la Martinique. C’est contre cette autorité de proximité que la Résistance s’organise. Mais au-delà, les Dissidents intègrent bien leur combat dans une perspective plus vaste. Très tôt, ils choisissent de soutenir de Gaulle, le « général micro », dont les appels sont connus dans les Antilles. En y répondant, les Dissidents, après une formation militaire aux États-Unis, vont être de toutes les campagnes des FFL, en Afrique du Nord, en Italie, en Provence, en Alsace. Certains ont même participé au débarquement de Normandie. Cet engagement héroïque a pourtant été oublié par la métropole, les Dissidents restent absents des commémorations et des hommages. C’est pour réparer cette injustice qu’Euzhan Palcy a tourné son film en 2005. Une première étape est franchie en 2006. Un groupe d’anciens Dissidents est invité pour assister aux commémorations du 8 et du 10 mai. Le 25 juin 2009, le président de la République se déplace en Martinique et décore plusieurs d’entre eux de la légion d’honneur. Tous désormais ont droit à cette reconnaissance officielle. Mais si leur sacrifice est enfin reconnu, il reste méconnu. C’est un grand vide mémoriel que vient combler le film Parcours de Dissidents.