Dans son ouvrage Plus jamais esclaves !, Aline Helg* expose l’histoire de l’esclavage en choisissant de mettre en avant l’aspect méconnu de ceux qui ont gagné leur liberté avant la prise en compte des mouvements abolitionnistes.
Plus jamais esclaves ! De l’insoumission à la révolte, le grand récit d’une émancipation (1492-1838), paru aux éditions La Découverte en mars dernier, met en évidence les actes de rébellion d’esclaves face à la traite négrière et aux systèmes esclavagistes, avant et en parallèle des mouvements abolitionnistes.
Dans cette étude, Aline Helg, historienne professeur à l’université de Genève, commence par dessiner le profil du système de la traite et de l’esclavage dans les pays où ils sévissent. Elle évoque entre autres thèmes « La plantation sucrière, nouveau modèle mortifère aux Caraïbes » ou encore la période du « Coton, sucre et café, broyeurs d’esclaves aux États-Unis, à Cuba et au Brésil (1775-1870) ». L’auteure aborde cette part de l’histoire par la question du marronnage, de ses acteurs et des conditions qui favorisent sa mise en œuvre. Elle examine cette « première forme de révolte contre l’esclavage », qu’elle étudie également par le biais des « Gloires et déboires du grand marronnage dans les Antilles sucrières » dans l’un de ses chapitres. Analysant les stratégies exploitées par les esclaves pour conquérir la liberté ou leur rôle dans l’évolution de l’histoire des territoires où sévissait l’esclavage, Aline Helg s’arrête sur les révoltes d’esclaves comme celle de la Jamaïque et inventorie également les faits qui conduisent « De la révolution servile de Saint-Domingue à la république noire d’Haïti ».
« Les ondes de choc de la Révolution haïtienne, Les esclaves du Venezuela en quête de liberté au service du roi d’Espagne, Complots et révoltes d’esclaves dans les Caraïbes fidèles à l’Espagne, Continuité et réinvention du marronnage dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, L’affranchissement, de l’interdiction à l’encouragement dans les colonies britanniques, néerlandaises et françaises, L’achat de la liberté face à la traite négrière à Cuba et au Brésil, Des révoltes sans relais dans les Antilles françaises et au Brésil, La révolte de 1816 à la Barbade, ‘un effort à accomplir par devoir’, La rébellion baptiste de 1831-1832 à la Jamaïque, etc. » : autant de sujets longuement étudiés dans cet ouvrage de plus de 400 pages pour permettre, à l’appui de données historiques, de définir avec plus de précision les chemins qui ont mené à l’abolition de l’esclavage et le rôle et des nombreux insoumis qui ont su conquérir eux-mêmes leur liberté.
Plus jamais esclaves ! De l’insoumission à la révolte, le grand récit d’une émancipation (1492-1838), de Aline Helg
Longtemps, l’émancipation des esclaves fut considérée comme l’œuvre des abolitionnistes, libéraux et blancs. Dans cet ouvrage, qui fait pour la première fois le grand récit des insoumissions et des rébellions d’esclaves dans l’ensemble des Amériques et sur plus de trois siècles, Aline Helg déboulonne cette version de l’histoire. En s’appuyant sur une très riche historiographie fondée sur des sources états-uniennes, latino-américaines, antillaises, britanniques, françaises et néerlandaises, elle montre que, bien avant la naissance des mouvements abolitionnistes, une partie des millions d’esclaves arrachés à l’Afrique par la traite négrière et de leurs descendants était parvenue à se libérer, le plus souvent en exploitant les failles du système, à l’échelle locale ou globale.
Cette étude pionnière par son ampleur dans le temps et l’espace met en lumière le rôle continu des esclaves eux-mêmes dans un long processus de lutte contre l’esclavage sur tout le continent américain et dans les Caraïbes, du début du XVIe siècle à l’ère des révolutions. Elle dévoile les stratégies qu’ils ont élaborées pour renverser subrepticement – et parfois violemment – un rapport de forces qui, dans son écrasant déséquilibre, ne leur laissait a priori rien espérer.
Sans magnifier le rôle des esclaves ni occulter les limites de leurs actions, ce grand récit montre que l’esclavagisme déshumanisant n’est pas parvenu à empêcher que des hommes, des femmes et des enfants accèdent, par leurs propres moyens, à la liberté.
Plus jamais esclaves ! De l’insoumission à la révolte, le grand récit d’une émancipation (1492-1838)
de Aline Helg
422 pages, 26 euros
Éditions La Découverte, collection : sciences humaines
* Après avoir enseigné à l’université du Texas à Austin, l’historienne Aline Helg est professeure à l’université de Genève. Elle a publié Liberty and Equality in Caribbean Colombia, 1770-1835 (2004) et Our Rightful Share. The Afro-Cuban Struggle for Equality, 1886-1912 (1995), tous deux lauréats de prix de l’American Historical Association.