Parmi les rendez-vous de cette première matinée du Salon du livre de Paris 2010, un débat sur la littérature ultra-marine qui a réuni, autour de Laure Adler, Fabienne Kanor, auteure d’Anticorps, et Gisèle Pineau pour Folie, aller simple : journée ordinaire d’une infirmière.
Gisèle Pineau avec un livre du dedans
Le livre de Gisèle Pineau revient sur le parcours de l’auteure en tant qu’infirmière en milieu psychiatrique. Un métier qui, s’il ne s’est pas imposé à elle comme une vocation, puisqu’elle n’a jamais joué à l« infirmière étant petite », apparaît comme une évidence parce qu’elle « a cette capacité à être auprès de l’autre, auprès de ceux qui souffrent ». Avec ce livre, elle donne un précieux témoignage au service des souffrants, des professionnels de santé, de l’hôpital. Elle use de son précieux moyen d’expression et dépeint un quotidien méconnu.
Avec Laure Adler, elle revient sur les hasards qui l’ont conduite à exercer ce métier pendant plus de 30 ans, après des études de lettres et quelques petits boulots. Son livre aborde les valeurs qu’elle défend et insiste sur la densité des émotions et des points de vue qui font qu’elle continue à s’occuper de ses malades. Avec ce livre reviennent les questionnements sur l’évolution des malades et des personnels soignants en hôpital psychiatrique. Un sujet très actuel.
L’émancipation d’une femme de 68 ans
Fabienne Kanor, avec Anticorps, soulève elle une thématique tout autre avec l’évocation de l’indépendance d’une femme. Indépendance notamment par rapport à celui à qui elle est mariée depuis plusieurs années et aux côtés duquel elle a vécu jusqu’à ses 68 ans. Fabienne Kanor évoque son roman avec le dynamisme qui peut caractériser un chroniqueur ou un observateur et nous conduit au fil du résumé à ces interrogations qui portent sur toutes les choses qui ne sont pas apparentes dans les relations au sein d’une famille, « sur les fissures qui grandissent au fil du temps ».
L’auteure, qui publie là son quatrième roman, met en évidence toutes les controverses qui peuvent occuper l’esprit d’une femme de 68 ans, avec 40 ans de mariage, trois fils et un mari plus intéressé à l’entretien de sa personne qu’à celui de sa relation avec celle qui « à 20/25 ans à mis son corps dans une boîte… » et se réveille lors d’un voyage anniversaire. Une prise de conscience féminine qui va la conduire à la fugue, événement à partir duquel elle va se ranimer pour peut-être acquérir son identité profonde.
Cette discussion sur la littérature ultra-marine a forcément fourni l’occasion d’aborder la question de la place de ces deux auteures dans la littérature française. Encore aujourd’hui, en 2010, Fabienne Kanor a dû s’exprimer sur cette aberrante réalité qui veut que toute invitation sur un plateau télé semble impossible, à moins qu’il ne s’agisse de s’exprimer en tant qu’originaire de la Martinique ou de la Caraïbe. Soutenue dans sa prise de position par Laure Adler, journaliste et critique littéraire, elle a mis en évidence ce dérèglement du paysage audiovisuel français qui empêche de la voir comme une écrivaine avant tout.
Fabienne Kanor aborde bien d’autres questions qui ont trait à la liberté avec, par exemple, cette envie de répondre aux empreintes laissées sur son parcours ou celui des parents. A l’évocation de la vie des ces derniers en France, via les dommages du Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements) à partir de 1963, elle réagit : « moi, je marche le monde pour finalement prendre cette liberté que mes parents n’ont pas pu prendre ». Pour expliquer sa volonté de sortir de l’enfermement comme son héroïne dans Anticorps qui, il faut le noter, est blanche d’origine normande.
Les deux femmes abordent des thématiques, qui selon Laure Adler, « donnent le courage de vivre« .
Fabienne Kanor, Anticorps, aux éditions Gallimard, 2010 – (samedi 27 à 16 h, rencontre avec Fabienne Kanor à l’espace Terres d’océan)
Gisèle Pineau, Folie, aller simple : journée ordinaire d’une infirmière, aux éditions Philippe Rey, 2010 – (samedi 27 14 h 30, rencontre avec Gisèle Pineau et séances de dédicaces samedi 27 à 16 h et dimanche 28 à 15 h sur Terres d’océan)