On connaît enfin le nouveau lauréat du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde : il a été décerné à Evelyne Trouillot pour son roman La mémoire aux abois (éditions Hoëbeke dans la collection Étonnants voyageurs). Le jury lui a reconnu les qualités qu’il cherche à récompenser chaque année depuis 1990, en choisissant « une œuvre de réflexion ou de fiction illustrant l’unité-diversité de la Caraïbe et des Amériques« . L’année 2010 sera aussi marquée par les déclarations du jury sur les auteurs haïtiens, qui comptaient pas moins de sept représentants nommés, et par la mention spéciale décernée à le poétesse et auteure de guadeloupéenne Gerty Dambury.
Dans sa déclaration finale, le jury évoque les raisons qui l’ont poussé à couronner La mémoire aux abois :
– l’originalité avec laquelle sont convoqués les tremblements de l’Histoire et des histoires dont les soubresauts n’ont pas fini se secouer nos imaginaires caribéens,
– la retenue, la tendresse, les silences , les souffles qui sont dévoilés tout en intérieur et qui révèlent les énigmes des destins,
– ces voix qui assiègent, qui résonnent et qui ne proposent pas de solutions établies, et qui simplement invitent le lecteur à vivre avec les malédictions de nos passés,
– une littérature dans laquelle les écrivaines se distinguent de plus en plus et qui offrent des perspectives inattendues, imprévisibles,
– un roman vivant qui libère une esthétique fragmentée et indirecte, à la limite de l’inextricable.
D’autres écrits ont suscité l’intérêt du jury parmi les quinze finalistes : « le Jury du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde réuni en Guadeloupe cette année tient à reconnaître les publications des écrivains haïtiens qui témoignent de la vivacité de ce peuple face à l’Inimaginable qui a eu lieu le 12 janvier 2010. Haitï kembé là ! de Rodney Saint-Eloi autant que Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière, Failles de Yanick Lahens et Create dangerously d’Edwige Danticat sont des livres animés par l’Urgence. Ils nous parlent du séisme qui a ravagé leur pays et des autres séismes politiques, sociaux et économiques qui ont eu des conséquences cauchemardesques pour Haïti.
Sans aucun misérabilisme, ces textes nous redonnent espoir et font tomber les préjugés qui existent encore trop souvent dans la conscience collective. Dany Laferrière nous le rappelle : « il ne faut pas pleurer sur Haïti ». Rodney Saint-Eloi, finaliste cette année, nous le dit encore : « pour moi, l’espoir, c’est un métier…, il faut que les gens mettent dans leur tête le mot espoir. C’est pourquoi la littérature est importante : elle met en tête l’imaginaire du pays ».
Pour finir, le jury décerne aussi une mention spéciale à Gerty Dambury, poétesse guadeloupéenne (Effervescences, Enfouissements, Confusion d’instants) : « le Jury du Prix Carbet, édition 2010, tient à décerner une mention spéciale à Gerty Dambury pour l’ensemble de son œuvre. En effet, celle-ci se distingue non seulement par son écriture à la fois ciselée et juste, mais encore par les thématiques qui mettent en valeur la complexité présente de nos sociétés sans occulter la présence des mémoires du monde créole. En particulier, le jury est sensible à la qualité de la parole que déploie Gerty Dambury dans son œuvre théâtrale avec un sens soutenu de la poésie de l’existence et une conscience lucide des drames humains qui meurtrissent la condition féminine. Pour ce qu’elle apporte à la création caribéenne, le Jury du Prix Carbet, rend cet hommage à Gerty Dambury.«