Trois dimanches de suite, les 8, 15 et 22 mai 2011 à partir de 21 h 30 sur France 5, la série Une histoire de l’Outre-mer diffusée dans le cadre de l’émission La Case du siècle revient sur les grandes périodes qui ont marqué l’histoire de l’outre-mer : les conquêtes coloniales, la traite négrière, la décolonisation, les échanges et les évolutions économiques et politiques majeures.
Trois fois 52 minutes pour apprendre ou en savoir plus sur : L’héritage colonial, Les turbulences de la décolonisation et L’ère de la mondialisation de l’outre-mer français dans série écrite et réalisée par Christiane Succab-Goldman. La réalisatrice guadeloupéenne s’est spécialisée notamment dans la réalisation de films documentaires sur l’histoire antillaise ou la condition noire et donne suite à travers cette réalisation au projet né de la volonté du producteur Jacques Kirsner. Un projet initié bien avant celui de l’Année des outre-mer mais qui trouve bien sa place dans le programme des manifestations.
La série évoque pleinement l’histoire de tous ces territoires qui font l’outre-mer : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Polynésie française, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, etc. en s’appuyant aussi sur la participation de nombreux intervenants. Des historiens, des écrivains, des personnalités de la vie politique et économique de l’outre-mer de tous bords qui prennent la parole. Parmi eux, les historiens Lydie Ho-Fong-Choy Choucoutou et René Achéen ; les écrivains Daniel Maximin et Maryse Condé ou encore le spécialiste des économies insulaires Jean Crusol, le sociologue Claude-Valentin Marie et le syndicaliste Elie Domota. « Tous s’expriment librement dans le film, d’autant qu’il y a dans toutes ces régions des intellectuels de haute lignée, des universités où s’opèrent l’échange, la formation, la connaissance, de même qu’il y a un creuset d’artistes remarquables » considère le producteur.
Pour la réalisatrice Christiane Succab-Goldman, cette série documentaire est une première puisque « jamais l’histoire de l’outre-mer d’aujourd’hui n’a été considérée dans son ensemble à la télévision ». L’objectif de sa réalisation ayant aussi pour objet de mieux faire connaître ces territoires et d’ainsi éclairer les observateurs, notamment en ce moment, sur cette part de l’histoire de France qu’est l’histoire de l’outre-mer. « Pour la majorité des gens, l’outre-mer, c’est une couleur, un bleu, des images d’Epinal, une cuisine, des musiques. La première difficulté était donc d’être dans la pédagogie et de trouver un ton, de montrer à quel point la France et l’histoire de France relient toutes ces personnes aux cultures si différentes, que la géographie éloigne », explique Christiane Succab-Goldman.
L’Héritage colonial, dimanche 8 mai à 21 h 30, sur France 5
La France d’Outre-mer naît au premier âge des conquêtes coloniales. Dès le XVIIe siècle, les convoitises éveillées par la découverte récente du Nouveau Monde et le développement de la marine marquent l’ambition de la France de s’étendre au-delà de l’Hexagone. Elle trouve dans ces territoires le sucre, le café, les épices, le bois précieux et organise une traite négrière pour les exploiter.
La révolution de 1789 bouleverse le cours de l’histoire coloniale française. L’esclavage est aboli pendant dix ans, mais, en 1802, Bonaparte le rétablit. Il faut attendre 1848 pour voir supprimer définitivement le système esclavagiste dans les colonies. Cet événement crée dans les « îles à sucre » des catégories sociales nouvelles, celles des petits paysans et des ouvriers. Elles apparaissent en même temps qu’en Europe et s’organisent en syndicats.
Dès la fin du XVIIIe siècle, l’industrialisation en Europe pousse les grands états à rechercher des matières premières, des débouchés et des marchés. Une deuxième phase de colonisation s’amorce. La France suit la route des épices dans l’océan Indien, puis dans l’océan Pacifique.
Lorsque la guerre de 1914-1918 éclate, l’Outre-mer constitue pour la France un formidable réservoir d’hommes à enrôler. Cette première guerre donne aux colonisés une conscience internationaliste. Dans les années 1930, de jeunes Ultramarins viennent poursuivre des études à Paris et découvrent d’autres peuples dominés, dans une Europe où montent le nazisme et le fascisme. C’est dans ce contexte que naît le mouvement de la « négritude » porté par Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas. Quand, en 1931, s’ouvre à Paris l’Exposition coloniale internationale au bois de Vincennes, les Parisiens découvrent que l’Histoire n’est pas seulement occidentale…
Les Turbulences de la décolonisation, dimanche 15 mai à 21 h 30
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, l’empire colonial français est à son apogée. A la Libération, la mobilisation anticoloniale apparaît sur tous les continents. Les peuples d’outre-mer aspirent à l’égalité et à l’indépendance. En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, c’est l’exigence d’égalité qui domine, avec la revendication d’assimilation pleine et entière à la métropole. En 1946, ces « vieilles colonies » deviennent départements d’outre-mer. Très vite, la déception l’emporte, car les lois de la République tardent à être appliquées. Dans les îles du Pacifique, ce n’est pas l’intégration à la société française qui est revendiquée mais la préservation des cultures autochtones. Exception : l’archipel de Wallis-et-Futuna, qui devient territoire d’outre-mer à la demande de son roi. Le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, dans le contexte de la guerre d’Algérie, change la donne : la République devient plus que jamais « une et indivisible ». On assiste alors à une reprise en main de l’Outre-mer, mêlant développement économique et répression de toute revendication séparatiste. Dans le contexte de la guerre froide, de grands projets doivent attester l’indépendance de la France : un Centre d’expérimentation nucléaire est implanté en Polynésie, puis un Centre d’expérimentation spatiale en Guyane. Afin de calmer l’effervescence indépendantiste, le pouvoir transforme les « vieilles colonies » en immenses chantiers de construction. Simultanément, le fort besoin de paix sociale en outre-mer et de main d’oeuvre en métropole déclenche l’organisation des flux migratoires. Le gouvernement crée à cet effet le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d’outre-mer). Dans les années 1980, les mouvements de revendications se radicalisent en Nouvelle-Calédonie. Les conflits s’exacerbent entre Kanaks et Caldoches dans une violence qui frôle la guerre civile. Le dialogue se renoue grâce aux accords de Matignon-Oudinot, pour ouvrir une ère nouvelle de concertation.
L’Ere de la mondialisation, dimanche 22 mai à 21 h 30
En outre-mer, l’entrée dans la modernité ébranle les modèles économiques traditionnels. Les crises sociales provoquées par l’effondrement de l’économie sucrière et l’explosion démographique sont partiellement surmontées par la migration vers la métropole. Toutefois, l’exil sans retour et la découverte d’une forme ténue de racisme dans l’Hexagone exacerbent le mal-être identitaire. La mémoire de l’esclavage, toujours présente, fonde de nouvelles revendications. En 1999, une loi rédigée par Christiane Taubira, députée de la Guyane, consacre la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Les années 1980 voient poindre des changements politiques majeurs. En Guadeloupe et en Martinique, la décennie s’ouvre sur une vague de violence conduite par des groupes indépendantistes. Toutefois, la politique de décentralisation porte ses fruits en outre-mer : on y conçoit et adapte des statuts politiques taillés sur mesure. En Nouvelle-Calédonie, le 4 mai 1989, le leader indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou et son lieutenant Yeiwéné Yeiwéné sont assassinés par un militant opposé aux accords de Matignon. Le mouvement kanak est décapité. Dix ans plus tard, la signature des accords de Nouméa formalise un statut particulier pour la Nouvelle-Calédonie. En Polynésie, la manne financière qui a accompagné les essais nucléaires n’a pas résolu les inégalités sociales et les conséquences médicales de la radioactivité provoquent toujours des polémiques. A Saint-Pierre-et- Miquelon, la réduction des zones de pêche à la suite d’un conflit avec le Canada entraîne l’effondrement économique de l’archipel. La mondialisation des échanges s’installe au coeur du débat politique, social et culturel. Dans ce contexte, les sociétés insulaires exposent à la fois leurs atouts et leur fragilité. En 2008, l’effondrement des marchés financiers mondiaux provoque l’envol du coût des matières premières. En Guyane, puis en Guadeloupe, la hausse du prix de l’essence dépasse les prévisions : une grève paralyse la Guadeloupe et devient le plus grand mouvement social connu dans l’Outremer français. Afin de dénouer la crise, Nicolas Sarkozy remet en chantier la question de l’avenir statutaire des départements et leur évolution vers plus d’autonomie. Mayotte, seule île des Comores restée française, accède au statut de département en mars 2011, devenant ainsi le 101e de la République française. En quelques années, la lame de fond de la mondialisation a finalement renforcé les liens avec la France, mais en leur donnant un sens différent. L’Outre-mer ne veut plus être le sujet, mais l’acteur d’une histoire commune. Etre enfin pleinement du monde et non plus du bout du monde.