Jusqu’au 29 novembre se tiennent à Lille les 15e semaines européennes de la philosophie, Citéphilo 2011, sur le thème L’art de faire. Ouvertes depuis le 8 novembre 2011, ces rencontres sont l’occasion de dizaines de débats qui réunissent des philosophes mais également des écrivains ou encore des historiens.
Les réflexions, ouvertes à un large public, se consacreront en partie à des sujets en lien avec l’actualité éditoriale et aux échanges de vues sur les bouleversements que connaît le monde. À ce titre, un cycle de trois séances sera consacré à la thématique Regard d’écrivain sur Haïti et une réflexion publique abordera le sens et la nouveauté des mouvements qui ont soulevé la Guadeloupe puis la Martinique de janvier à mars 2009.
L’écrivain haïtien Yanick Lahens sera au nombre des nombreux invités et deux de ses récents ouvrages (La couleur de l’aube, Failles) serviront de socle aux échanges sur le premier thème. Objectif de ce Citéphilo 2011 à travers ces séances : « approfondir une réflexion entamée lors de l’édition 2010 de CitéPhilo sur l’étonnante capacité de la littérature haïtienne à évoquer la domination, l’émancipation, la refondation après le chaos ». Autre question remise au débat : celle qui concerne les événements qui ont eu lieu en Martinique et en Guadeloupe. Y prendront part le cinéaste Gilles Élie Dit Cosaque ou encore Gérard Delver, président de l’association Tout-Monde. Et, à propos d’Haïti, Antonio Baggio, spécialiste de ce pays, interviendra sur la première république noire, Idées pour la libération du peuple noir d’Haïti (1794-1798) de Toussaint Louverture.
Vendredi 18 novembre, de 15h à 17h – Palais des Beaux-Arts – Grand auditorium – Place de la République – Lille
Lettres à la France. Idées pour la libération du peuple noir d’Haïti (1794-1798) de Toussaint Louverture
En présence du professeur de philosophie politique d’Antonio Baggio (auteur de Lettres de France) et présenté par Bruno Mattéi
À travers la correspondance aujourd’hui publiée de Toussaint Louverture, qui dirigea la révolte des esclaves à Haïti, un miroir inédit est tendu à la Révolution française. Antonio M. Baggio, auteur de La fraternité, un principe oublié et spécialiste d’Haïti, nous donne à penser l’impensable de cette révolte et de la première république noire, mais surtout les impensés de notre propre révolution et république : ses valeurs en trompe l’œil (liberté, égalité ?) et surtout la fraternité qui, elle, ne trompe plus personne puisqu’elle est maintenant en voie d’effacement avancé. Revisiter les catégories politiques de l’occident (son ethnocentrisme congénital, son universalisme abstrait) et la réduction anthropologique des Lumières (ses étranges obscurités parfois) permettrait de mieux comprendre nos impasses politiques actuelles et de refonder (enfin) un projet politique républicain.
Samedi 26 novembre, de 18 h 30 à 21 h 30 – Palais des Beaux-Arts – Grand auditorium – Place de la République – Lille
Guadeloupe, Martinique : deux ans après les événements de 2009, quelles questions ?
Poursuite de la réflexion publique sur le sens et la nouveauté des mouvements qui ont soulevé la Guadeloupe puis la Martinique, de janvier à mars 2009. Réflexion qui n’est d’ailleurs pas close là-bas : en témoignent notamment les textes produits par des acteurs de ces événements dans « Guadeloupe – Martinique, janvier-mars 2009 : la révolte méprisée », numéro spécial de la revue Les Temps modernes (janvier-avril 2011, n°662-663), et La liste des courses, film de Gilles Elie-Dit-Cosaque, également sorti au printemps 2011.
En présence de Jean Bourgault, professeur de lettres supérieures, de Gérard Delver, président de l’association Tout-Monde et secrétaire général de l’institut du monde caribéen, et du cinéaste Gilles Elie Dit Cosaque (Ma grena’ et moi, Outre-tombe, Zétwal).
Projection de La liste des courses, film de Gilles Elie Dit Cosaque, de 18 h 30 à 19 h 30
Deux ans après les événements, Gilles Elie Dit Cosaque reprend le fil du débat sur la liste des produits de premières nécessités. « Aujourd’hui, plus que jamais », dit-il, « la somme des je consomme dit bien ce que nous sommes », et « La liste des courses permet, entre les lignes, de lire la société antillaise ».
Débat : Guadeloupe, Martinique : deux ans après, quelles questions ?, de 19 h 30 à 21 h 30
Les textes et entretiens publiés par le numéro des Temps Modernes rendent compte des tensions vécues lors de ces mouvements, et de la manière dont ils ont questionné le sens de l’action politique. Dans un temps où les formes de la politique qui s’invente sont, pour part, aveugles, certains événements nous parlent, pour peu qu’on puisse les entendre et les comprendre.
Lundi 28 novembre – L’Art de faire – Cycle regard d’écrivain sur Haïti
Ce cycle de trois séances, ancré dans le thème annuel l’Art de faire, a été construit en partenariat avec l’atelier littéraire du Lycée Arthur Rimbaud de Sin le Noble et l’association Haïti Écoles Solidaires, ainsi que dans le prolongement de la semaine de solidarité internationale (SSI). A partir d’une présentation de deux ouvrages récents de l’écrivain haïtien Yanick Lahens, il s’agira d’approfondir une réflexion entamée lors de l’édition 2010 de CitéPhilo sur l’étonnante capacité de la littérature haïtienne à évoquer la domination, l’émancipation, la refondation après le chaos. Un double questionnement articulera donc ces « manières de faire » : quelle peut être la portée de personnages littéraires féminins et quelle puissance accorder à la littérature elle-même, incarnée par un auteur aux multiples engagements ?
La couleur de l’aube (éditions Sabine Wespieser), de 19 h 30 à 21 h – Palais des Beaux-Arts – Place de la République – Lille
En présence de l’auteure Yannick Lahens, écrivaine, professeure, éditrice et responsable de projets portant sur l’illettrisme et le développement durable en Haïti.
Présentation et lecture de Eva Lerat, professeur de philosophie et Stanislas d’Ornano, docteur en sciences politiques.
Ce premier volet introduit une réflexion sur la violence de la société haïtienne et la volonté de vivre, à partir d’un roman qui campe la quête haletante 24 heures durant de deux jeunes femmes, deux visages du même désespoir, dans un chaos urbain. Elles cherchent un frère activiste qui a disparu. À travers le destin d’une famille ordinaire, c’est l’allégorie d’un pays où la monstruosité voudrait se faire loi qui est construite avec force.
Mardi 29 novembre, de 10 h 30 à 12 h 30 – Lycée Arthur Rimbaud – 1075 rue Paul Foucaut – Sin le Noble
Failles (éditions Sabine Wespieser)
Atelier littéraire animé par l’auteure Yannick Lahens
Ce deuxième volet prendra la forme d’un atelier littéraire – ouvert au public – à destination de 25 élèves de classe de première qui, depuis la rentrée, découvrent trois auteures haïtiennes : Kettly Mars, Evelyne Trouillot et Yanick Lahens. La séance sera cette fois centrée sur l’étude de Failles de Yannick Lahens. Écrit dans les semaines qui ont suivi le séisme du 12 janvier 2010, ce texte-témoignage analyse, au-delà de la catastrophe, l’irresponsabilité qui consisterait pour les Haïtiens à ne pas changer leurs perceptions et leurs comportements. Pour l’auteure, en effet, la faille géologique qui a englouti Port-au-Prince interdit de faire comme si les autres failles – sociale, politique, économique – n’existaient pas.
Chaos, reconstruction, refondation – Regard d’écrivain sur la société haïtienne, de 19 h 30 à 21 h – Chapelle de la Maison des associations – rue des Potiers – Douai, en présence de Yannick Lahens
Ce dernier volet vise à mettre en perspective les ressources de deux œuvres présentées précédemment – La couleur de l’aube ; Failles – pour évoquer les ressorts de la violence et de la domination, ainsi que ceux de la résistance et d’une possible refondation du lien social et politique.