À travers une série documentaire en trois temps, les auteurs Juan Gélas (qui a consacré une interview à e-Karbé) et Pascal Blanchard reviennent pour la première fois sur l’histoire des Noirs de France. Le premier volet, Le temps des pionniers (1889-1940), sera diffusé le dimanche 5 février 2012 à 22 h sur France 5.
La série part à l’exploration du sujet à travers trois cycles, 1889/1940, 1940/1974 et de 1975 à nos jours, où se succèdent à la fois des étapes importantes de l’histoire de France et celles qui voit évoluer la place, l’image et la réalité des Noirs en France. Dans la première partie, Le Temps des pionniers, les auteurs s’arrêtent sur la génération des figures ou des personnalités politiques qui auront permis que cette période soit retenue comme l’une des plus importante dans l’histoire de la France dans son rapport avec les Noirs.
Outre les documents d’archives, la série est faite de témoignages, 35 au total : journalistes, politiques, artistes, et bien d’autres dépositaires des engagements et des luttes pour l’égalité, et dont les parcours individuels renseignent aussi sur le cheminement des Noirs de France dans l’histoire de leur pays, tout au long de trois siècles d’événements. Christiane Taubira, Soprano, Jacques Martial, Françoise Vergès, Audrey Pulvar, etc. évoquent ce que cela représente d’être Noir en France.
Après Le temps des pionniers (1889-1940), Le temps des migrations (1940-1974) évoquera notamment le Bumidom, bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer créé en 1963, et Le temps des passions (de 1975 à nos jours) montrera quant à lui la société française à travers la représentation de ses personnalités afro-antillaises. Trois épisodes d’une série disponible en DVD à partir du 20 février 2012.
Le temps des pionniers (1889-1940)
Près de cinquante ans séparent le temps des « sauvages », majoritairement des Africains exhibés au Jardin d’Acclimatation de Paris, de celui des intellectuels et militants de la Négritude qui, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, vont affirmer la fierté noire. Une période fondatrice et complexe qui voit l’émergence de parlementaires noirs comme Hégésippe Légitimus, Blaise Diagne ou Gratien Candace. Une période où s’imposent aussi des intellectuels, des sportifs ou des artistes noirs, à l’image de la danseuse Joséphine Baker, du cycliste Major Taylor, du boxeur Jack Johnson ou du clown Chocolat. Le combat des militants nègres, au cours de l’entre-deux-guerres, alors que la France va glorifier son empire colonial dans d’immenses expositions populaires, est d’une intensité politique sans précédent. Le souvenir de la Grande Guerre et de ses célèbres tirailleurs sénégalais renforce l’idée que la France est devenue une nation ouverte au monde, attirant notamment les Afro-Américains et faisant de Paris la deuxième nation des Noirs de la diaspora. La France s’engage dans la seconde partie du siècle forte d’une expérience sans équivalent à l’égard de la diversité.
Le temps des migrations (1940-1974) – Dimanche 12 février 2012, 22 h , sur France 5
Le deuxième film raconte les grandes mutations qui, en trente ans, voient l’Afrique participer à la libération de la France occupée, les vieilles colonies devenir des départements (1946), les indépendances en Afrique (1960), la création du Bumidom orchestrant la migration d’État depuis les Antilles, et le début des migrations en provenance d’Afrique noire. C’est l’époque de l’affirmation de la pensée noire, notamment lors du premier Congrès des écrivains et artistes noirs à Paris (1956), sous l’impulsion de penseurs anticolonialistes comme Aimé Césaire ou Frantz Fanon. Les grandes migrations venues d’outre-mer et d’Afrique noire vers l’Hexagone poseront les bases des populations de Noirs français d’aujourd’hui. De nombreux politiciens, ministres et députés noirs sont alors présents au coeur et au sommet des institutions de la République. Léopold Sédar Senghor, Gaston Monnerville, Aimé Césaire, Félix Houphouët- Boigny et tant d’autres. C’est aussi le temps des premières grandes luttes ouvrières noires, alors que la crise pétrolière de 1973 va bouleverser le destin de nombreux Noirs de France, provoquant le ralentissement du mouvement migratoire et une crise xénophobe sans précédent.
Le temps des passions (de 1975 à nos jours)
Le troisième volet de la série voit les Afro-Antillais occuper une place majeure dans la société française. Les migrations antillaises, réunionnaises, africaines et malgaches se féminisent et se diversifient. L’immigration devient un enjeu politique majeur, avec des moments symboliques allant de l’expulsion des 101 Maliens à l’occupation de l’église Saint-Bernard, du combat pour les sans-papiers à celui de l’égalité citoyenne. Le combat pour la mémoire est omniprésent au cours de ces quatre décennies, connaissant un point d’orgue en 2001 avec la loi Taubira. Alors que des personnalités afro-antillaises s’imposent dans l’opinion, à l’image de Yannick Noah, Lilian Thuram, JoeyStarr, Pascal Légitimus ou Audrey Pulvar, l’histoire des Noirs de France bouleverse les frontières de la République, entre exclusion, discrimination, nouvelles visibilités, identités métisses et émergence de personnalités fortes.