Le Journal d’un écrivain en pyjama, de Dany Laferrière, n’a pas manqué de susciter l’intérêt depuis sa sortie au début du mois de février. Dans ce vingtième livre, l’auteur haïtien évoque les auteurs dont il est lui-même un lecteur et qu’il affectionne. Un livre pour plus de 200 chroniques, des conseils à l’attention des futurs ou jeunes auteurs, des incitations à lire et à écrire surtout.
Au gré de cette incursion dans sa bibliothèque, Dany Laferrière s’arrête sur des écrivains tels que Voltaire, Hemingway, Roth ou encore Césaire. Il était d’ailleurs déjà question de l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal dans le roman L’énigme du retour pour lequel l’auteur a reçu le Médicis en 2009 et dont le lancement en langue anglaise a eu lieu très récemment à Londres (The Enigma of the Return, aux éditions MacLehose Press). Le 11 février dernier, Dany Laferrière a évoqué comment il avait commencé à « écrire pour changer de vie » dans l’émission Plus on est de fous, plus on lit, de Radio-Canada.
Journal d’un écrivain en pyjama, aux éditions Mémoire d’encrier
« Le pyjama est un étrange habit de travail », nous dit Dany Laferrière, qui, après trente années d’écriture, décide de parler à ses lecteurs. Suite de fragments et de scènes où fiction, réflexion, récit, méditations s’alternent. Journal d’un écrivain en pyjama met sous nos yeux l’itinéraire de cet écrivain pour qui la vie est une aventure exaltante, qui se conjugue entre lire et écrire.
Dans L’art presque perdu de ne rien faire, la réflexion était sur la rêverie et la philosophie, et le rapport que nous entretenons avec la vitesse, Laferrière commandait de ralentir pour contrer cette espèce d’urgence. Cette réflexion se poursuit autrement dans Journal d’un écrivain en pyjama. L’auteur intervient ni en savant ni en érudit, mais plutôt en écrivain-lecteur, dandy, esthète passionné : Que lisons-nous ? Qu’écrivons-nous ? Et quelles sont les incidences des livres dans notre vie quotidienne ?
À propos de conseils d’écriture, Laferrière glisse quelques notes : « Quand vous cherchez depuis un moment à décrire la pluie qui tombe, essayez : il pleut. » La lecture, étant une activité naturelle, Laferrière convoque les écrivains, classiques et contemporains, comme s’il s’agissait de vieux amis qui se seraient retrouvés dans un café.
Journal d’un écrivain en pyjama suggère l’idée de l’écrivain amateur, avec cette odeur printanière et l’enthousiasme des débuts. On lit, on rêve, on écrit. C’est une part essentielle dans la cité. Imaginez un écrivain en pyjama dans cet art de converser… C’est un « dialogue que j’ai appris sur la galerie de ma grand-mère quand elle proposait une tasse de café aux passants. L’encre remplace l’oralité… Je prolonge la manière de ma grand-mère : le café pour Da, et l’encre pour moi. Deux carburants qui irriguent la conversation et le dialogue. Personne ne peut m’empêcher de converser avec Montaigne un lundi matin. On n’a qu’à ouvrir Feuille d’herbe pour que Walt Whitman nous parle. »
Journal d’un écrivain en pyjama est un livre magnifique écrit durant la nuit et dont l’esprit irrigue le jour.
À propos du livre
Après L’Art presque perdu de ne rien faire, ce roman des idées, j’ai voulu réfléchir sur la lecture et l’écriture, deux activités qui enchantent mon esprit. J’ai écrit ce livre dans mon lit, entre trois et sept heures du matin. Au moment où la ville s’active, je me rendors. Voici quelques notes griffonnées en pyjama.
1. Visez le cœur, même si l’on sait que c’est avec sa tête qu’il lit.
2. Écrire est d’abord une fête intime.
3. Plus vous mettez de choses dans votre livre, moins on sentira votre présence.
4. Une journée est parfaite quand on se met subitement à danser avec la chaise sur laquelle on s’était assis pour écrire.
5. Les gens veulent toujours savoir d’où viennent toutes ces idées qu’ils voient dans les livres. Ça ne leur est jamais venu à l’esprit qu’elles viennent d’eux, mais sans cette modestie du lecteur il n’y aura pas de littérature.
6. Ouvrez n’importe quel livre de votre bibliothèque, prenez une seule phrase qui vous plaît, et mettez-la telle quelle dans votre livre. Cette opération s’appelle : faites payer les riches.
7. Tout le problème vient du fait que l’écrivain soit devenu plus connu que le livre.
8. N’espérez pas devenir un écrivain sans vanité, car ceux qui ont tenté le coup sont devenus au mieux des mystiques.
9. Quand vous cherchez depuis un moment à décrire la pluie qui tombe, essayez : il pleut.
10. Les livres ne se font pas par hasard, mais parce qu’il y a des lecteurs qui, du fond de leur chambre, les réclament en silence.
Journal d’un écrivain en pyjama
Dany Laferrière
Chronique – 320 pages