À l’occasion du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, France Culture met en place une semaine spéciale Antilles du lundi 30 septembre au jeudi 3 octobre. Ainsi, l’émission Sur les docks s’intéressera aux « Luttes agricoles en Martinique » et La Fabrique de l’Histoire consacrera notamment deux documentaires à la Martinique : « Les émeutes de décembre 1959 en Martinique » puis « Entre mémoire et histoire, un balisage de la Martinique ».
Créée il y a plus de dix ans pour explorer les rapports tendus entre Histoire et Mémoire, La Fabrique de l’Histoire a poursuivi depuis cinq ans cette approche en insistant sur les usages politiques et sociaux du passé. Ce lundi 30 septembre à 9 h 05, Emmanuel Laurentin, son producteur et présentateur, reçoit Louis-Georges Tin, maître de conférences à l’École supérieure du professorat et de l’éducation d’Orléans, militant impliqué dans la lutte contre le racisme et l’homophobie, pour évoquer l’histoire de la Martinique. Mardi et mercredi, il diffusera deux documentaires de Sophie Haluk, réalisés par Guillaume Baldy.
Mardi 1er octobre, « Les émeutes de décembre 1959 en Martinique »
Comment un banal incident de circulation entre un Antillais et un métropolitain peut-il provoquer trois jours d’émeutes et mettre la ville de Fort-de-France à feu et à sang ? Dans une Martinique qui voit ses usines à sucre fermer, en proie à la misère et au chômage, c’est à coup de pierres contre les balles réelles des policiers que la population fait entendre son cri de colère. « Réaction d’une dignité blessée », dira Césaire. Cette révolte populaire sans précédent, qui inaugure une nouvelle forme de protestation, la guerilla urbaine et nocturne, marque l’entrée de la jeunesse dans les luttes sociales antillaises. Une jeunesse qui en paiera le prix fort : trois victimes, Christian Marajo, 15 ans, Edmond-Eloi Véronique dit Rosile, 19 ans, et Julien Betzi, 20 ans. Suite au choc émotionnel provoqué par ces morts, la réponse du gouvernement français, dans un premier temps conciliante, va être de mettre tout en œuvre pour empêcher qu’un tel soulèvement ne se reproduise. Renforcement de la présence militaire française, arrivée de matériel lourd, quadrillage de Fort-de-France avec de nouveaux commissariats… Avec Jocelyne Marajo, sœur de Christian Marajo, Juliette Ensfelder, sœur de Edmond-Eloi Véronique, Juliette Germany, sœur de Julien Betzi, Frantz Moffat, ancien docker, Charles Conconne, Alain Cadoré, Gesner Mencé, Léon Sainte Rose, témoins et acteurs des émeutes, Alain Plenel, vice-recteur d’Académie de l’époque, Louis Georges Placide, historien.
Mercredi 2 octobre, « Entre mémoire et histoire, un balisage de la Martinique«
Comment l’espace géographique antillais est-il marqué par l’histoire ? A Saint-Pierre et Fort-de-France, l’écrivain Patrick Chamoiseau nous invite à une lecture sensible des traces laissées par les histoires multiples qui ont façonné la Martinique. Un territoire qui a été jusqu’ici structuré par l’histoire coloniale. Le patrimoine visible, nous dit Patrick Chamoiseau, reste le patrimoine colonial – grands monuments, forts, habitations, etc. Le patrimoine populaire – les contes, les proverbes, la musique, les petites cases créoles, etc. – forme un patrimoine encore trop peu valorisé. Dès lors comment rétablir l’équilibre ? C’est tout l’enjeu de l’ambitieux projet de valorisation culturelle et patrimoniale lancé par Serge Lechtimy, président du Conseil régional, depuis 2011 à Saint-Pierre et aux Trois îlets. Dirigé par Patrick Chamoiseau, ce projet relève un défi majeur : faire participer les Martiniquais au balisage mémoriel de leur île, les aider à se réapproprier cet espace tout comme leur histoire. Une histoire relationnelle chaotique, fruit de la confrontation des histoires et des mémoires amérindiennes, esclavagistes et coloniales, qui, selon l’écrivain, devraient toutes pouvoir, dans le dialogue, exprimer leur singularité… Avec l’écrivain Patrick Chamoiseau.
Lundi 30 septembre, « Luttes agricoles en Martinique »
Sophie Haluk et Guillaume Baldy ont réalisé un autre reportage qui sera diffusé dès lundi, à 17 h, dans l’émission « Sur les docks » : « Luttes agricoles en Martinique »
C’est de haute lutte et dans la permanence des combats que les ouvriers martiniquais ont obtenu leurs droits et souvent au prix du sang. Ce documentaire revient sur les grandes grèves qui ont marqué le secteur bananier, notamment celles de 1974, et bien sûr 2009. Même si la banane est le fruit le plus consommé et le plus exporté au monde, sa culture entraîne de sévères effets secondaires. Victimes du scandale sanitaire de la chlordécone, les ouvriers agricoles ont été les premiers à être exposés à ce pesticide hautement toxique et cancérigène qui a contaminé près de la moitié des terres martiniquaises. Lors de la manifestation du premier mai 2013, à Fort-de-France, les slogans étaient « Qui doit vivre? Banane ou Martinique ? 1 500 cas de cancer par an. Pollueurs = payeurs » ou encore « Non à l’épandage aérien et à l’empoisonnement des Martiniquais ». En contrepoint, Paul Alcindor et Emilien Saban, deux vétérans des luttes agricoles, décrivent leurs combats pour l’amélioration des conditions de travail, l’application de la Sécurité sociale, les congés payés, la médecine du travail, etc. À la Maison des syndicats de Fort-de-France, ouvriers agricoles et responsables syndicaux évoquent ce qu’il en est aujourd’hui de la pénibilité du travail.
Avec Paul Alcindor, Emilien Saban, Marie Hélène Marthe-dite-Surelly, Luciana Laurencé, Bernabé Gros-Désormaux, Jean-Jacques Magy, Laurent Centaure, Laurent Prudent, propriétaire d’une exploitation bananière du Lamentin.