Victorin Lurel, député et président du Conseil régional de la Guadeloupe, fraîchement nommé chef du pôle thématique outre-mer dans l’équipe de campagne de François Hollande, était le principal participant d’une conférence sur le thème des outre-mers qui s’est déroulée le mercredi 16 novembre 2011 à la mairie de Bondy.
« Métropoles, outre-mers : quelles relations réciproques ? » : tel était le thème de cette conférence organisée par la fondation proche du parti socialiste Terra Nova, en partenariat avec la Ville de Bondy et l’association Sciences Ô qui vise à « promouvoir les thématiques et les cultures des Outremers au sein de Sciences Po ». Une centaine de spectateurs ont assisté à cette conférence introduite par la maire de Bondy, Sylvine Thomassin, et animée par Marc Vizy pour la fondation Terra Nova.
L’actualité orientant naturellement les débats vers des problématiques économiques et sociales, Victorin Lurel a pu énoncer plusieurs de ses convictions fortes. Ainsi, il considère qu’il subsiste dans les outre-mers des structures génératrices d’inégalités qu’il faut combattre : « l’esclavage et la colonisation ont créé une pigmentocratie qui existe toujours dans l’import-distribution mais on ne peut pas dire pour autant, comme on l’entend trop souvent, que la France est en posture de pays colonial« . Cela étant dit, le gouvernement n’a pour lui pas tiré les leçons du soulèvement de 2009 dans les Dom et n’est pas capable de casser cette organisation économique défaillante : « il faut s’interroger sur la force des liens qui unissent ce gouvernement et sa clientèle« . Victorin Lurel estime cependant que, « s’il y a des bastilles à faire tomber, elles sont souvent dans nos têtes. Il faut donc faire un travail d’éducation politique. » Invoquant Aimé Césaire – « Un pas devant le peuple, jamais deux » -, il affirme que « le seul combat qui vaille, c’est la conquête des esprits« .
À la question « En quoi l’outre-mer peut-il servir la métropole ? », il préfère répondre en évacuant les arguments habituellement évoqués comme la biodiversité, les espaces maritimes ou le spatial. Au-delà, ces territoires représentent selon lui un laboratoire pour expérimenter des formules nouvelles en matière institutionnelle et faire évoluer les schémas territoriaux : en acceptant de traiter différemment des territoires différents, « la France ne voit pas qu’elle devient une république fédérale. » Certes, les républicains ne peuvent qu’avoir du mal à accepter une telle évolution, ce qui explique une certaine frilosité générale sur les aspects culturels : « si vous respectez trop les langues régionales, les cultures, si vous demandez la reconnaissance des droits culturels, cela signifie que vous ouvrez la possibilité de reconnaître des droits aux minorités« . Mais, pour Victorin Lurel, le processus est en marche : « la France hexagonale est en train de vivre un processus de créolisation qu’elle ignore« .
Pour le président du conseil régional de Guadeloupe, il ne faut pas oublier qu’avec leurs différences, les outre-mers ont aussi contribué fortement à la construction de la vision nationale, notamment en termes de littérature : « René Maran, Édouard Glissant ou Saint-John Perse ont ensemencé cette culture de France. La France ne serait pas la France s’il n’y avait pas eu un Toussaint Louverture à Haïti, un Louis Delgrès en Guadeloupe. Voilà un apport fondamental qui a abouti en 1948 à la déclaration universelle des droits de l’homme.«
Travaillant dans une optique de paix intérieure, de réconciliation, de respect de l’humain, souhaitant développer une culture de la tolérance, de la fragilité, de la beauté, du respect, Victorin Lurel se dit résolument optimiste : « il faut magnifier l’histoire mais ne pas s’en servir. Nous avons vécu cette histoire, d’un côté comme de l’autre, nous l’assumons et nous la transcendons. Nous sommes une belle culture, préfigurant le monde de demain. Une société belle mais fragile avec des évolutions dont on ne devine pas les conséquences positives…«