« Marronnage – L’art de briser ses chaînes » est une exposition à voir à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, jusqu’au 24 septembre 2022. Elle réunit à la fois des œuvres de la première moitié du XXe siècle issues des collections du musée du quai Branly – Jacques Chirac et des créations plus récentes. Des objets et photographies exposés à côté des œuvres des peintres et sculpteurs contemporain qui ont fait de l’art Tembé leur moyen d’expression et avec eux des peintres contemporains parmi lesquels Hervé Télémaque, dont l’idée est à l’origine de cet événement.
Cette exposition exprime « la vitalité des arts marrons de ces trente dernières années » mais elle tente également de mettre en exergue, via les objets et les images rapportées de différentes missions et expéditions ethnographiques sur le Maroni, la créativité des artistes de la première moitié du XXe siècle dans cette région de la Guyane. Et pour mettre en perspective les arts marrons et y apporter un regard autre, Hervé Télémaque, l’un des principaux protagonistes de la figuration narrative, a créé pour cette occasion une œuvre originale. Ce « fervent admirateur de la culture des Marrons et de leur art » est accompagné de Marcel Pinas, plasticien dont l’œuvre « parle de la destruction et de la reconstruction de la culture, dyuka en particulier », et de John Li A Fo, « basé sur le plateau des Guyanes dont il croise les imaginaires culturels ». Ensemble, ils se retrouvent dans cette démarche de mise en lumière des arts marrons, avec leurs créations qui sont une « façon de rapporter des points de vue artistiques sur les arts marrons ».
L’exposition explore bien d’autres aspects des arts marrons à travers des étoffes brodées (pangi), des œuvres photographiques, dont celles inédites prises dans le cadre du voyage d’André Schwartz-Bart sur le Maroni en 1960, ou encore de courts films documentaires.
L’exposition « Marronnage, l’art de briser ses chaînes » est organisée par la Maison de l’Amérique latine. Elle s’accompagne d’un livre publié en co-édition avec les Éditions Loco, préfacée par Christiane Taubira, et d’un cycle de conférences-projections de films documentaires pour mettre en valeur l’histoire et les productions plastiques de peuples d’origine africaine transportés de force en Amérique du Sud et qui se sont structurés en sociétés issues de la fuite et du refus de l’esclavage.
Au Surinam et en Guyane, où la forêt les a protégées, ces sociétés (les Saamaka, Dyuka, Paamaka, Boni-Aluku, Matawai et Kwinti) ont d’abord dû défendre leur liberté, puis se construire, se développer et, la paix revenue, exprimer leur sens du beau, de la grâce : le moy.
Notre ambition est de donner à voir et de contextualiser la continuité et la créativité artistique exprimées par ces peuples, en présentant des objets produits dans la première moitié du XXe siècle, devenus collections de musée, et un aperçu des créations actuelles. Car, contrairement à ce qu’ont pu penser certains ethnologues dans les années 1930, lorsqu’ils collectaient non pas des œuvres d’art mais des pièces à « conviction » – des pièces d’études de peuples en voie de disparition –, les Marrons ont continué de vivre à leur façon et de créer.
Ainsi les artistes, les tembeman, sculptent et peignent toujours. Sous leurs doigts, les objets du quotidien se transforment en œuvres d’art (un peigne, un plat, une pagaie, etc.), ils sont fabriqués pour soi, offerts à l’autre, en particulier à la femme aimée, ou vendus à des clients. Les femmes confectionnent des capes, calimbés, foulards, en renouvelant constamment techniques et formes, selon une esthétique cependant bien identifiable. L’art dont il sera question dans cette exposition est un art d’émancipation mais aussi un art social qui célèbre les rencontres et qui parle d’amour.
Pour comprendre ces peuples, issus du refus du sort qu’on leur avait réservé, nous donnerons la parole aux témoins, ceux du temps de l’esclavage et les témoins d’aujourd’hui. De cette façon, nous découvrirons une culture originale, née de la guerre et qui réprouve toute forme d’oppression.
Cette exposition présente donc au public des œuvres très rarement exposées. On peut citer par exemple la collection constituée par le poète Léon-Gontran Damas dans les années 1930 sur le fleuve Maroni.
Pour tous ceux qui se désignent eux-mêmes aujourd’hui comme Bushinenge ou encore Busi konde sama, il s’agit ici de (re)découvrir une page de leur histoire et de leur patrimoine vivant.
Cette exposition entend contribuer à faire connaître une population trop souvent ignorée, sans l’enfermer dans le passé, tout en sensibilisant le public à une esthétique qui se réinvente et se joue des catégories (patrimoine / création, art / artisanat, arts premiers / art contemporain, etc.).
Ce parcours sera pour le visiteur et le lecteur, nous l’espérons, une belle rencontre avec des hommes et des femmes attachés à leur identité et à leur liberté.
« Marronnage – L’art de briser ses chaînes »
Maison de l’Amérique latine
217 boulevard Saint-Germain – 75007 Paris
Lundi au vendredi : 10h à 20h + Samedi : 14h -18h
Fermé les dimanches, jours fériés
Entrée libre