Avec Aimé Césaire – Cavalier du temps et de l’écume, René Hénane poursuit son travail d’analyse de la poésie du poète martiniquais. L’étude thématique et critique des recueils Comme un malentendu et Noria, publiée récemment, s’ajoute à la liste de ses dix ouvrages déjà consacrés à Césaire.
René Hénane s’intéresse ici à deux recueils rassemblés pour la première fois en 1994 dans le volume Aimé Césaire : la poésie aux éditions du Seuil. Une approche qui est un apport supplémentaire de la connaissance de l’œuvre de Césaire, un nouvel outil de compréhension de sa poétique sur une période donnée, celle de la dernière des « trois grandes périodes qui rythment la poésie césairienne » que définit René Hénane.
L’auteur fournit au lecteur les éléments qui éclairent sur le sens, sur les objectifs, sur les états d’âme d’Aimé Césaire ou encore sur les fondements des textes. Les relations de Césaire avec les figures littéraires de l’époque (Senghor, Depestre, Alioune Diop, ect.), son rapport à sa terre la Martinique (dans Faveur des alizés), sa position sur la guerre d’Indochine (Fatasmes), la pensée et le contexte d’écriture du poète, plusieurs chapitres du parcours du poète de la Négritude sont explorés. L’opacité des images qu’il utilise, notamment (par exemple dans Comme un malentendu de salut), est également mise en exergue dans cet ouvrage qui répertorie avec précisions les variantes, qui mentionne la graphie, qui expose les manuscrits et tapuscrits d’une trentaine de textes. Autant de titres passés en revue pour certainement autant de thématiques, qui aident à la perception de l’expression poétique ou de la démarche du poète. Par exemple, Noria, publié dans différentes éditions, est présenté comme « un recueil de poèmes non datés » et « une série disparate de poèmes dont la structure même est variable ». Ce recueil renferme, entre autres, des textes qui abordent les émotions qu’inspirent à Césaire ses voyages au Brésil et en Éthiopie.
Copies manuscrites annotées, références datées des différentes éditions, observations comparées des thèmes abordés dans d’autres poèmes et différentes théories, structurent cet ouvrage qui non seulement offre de traduire une part de la poétique de Césaire et apporte un regard perspicace sur sa poésie et son imaginaire mais permet également aux non initiés de s’inviter à la réflexion ou à d’autres interprétations.
Cavalier du temps et de l’écume
Comme un malentendu de salut – Noria, poèmes de la grande maturité, s’inscrivent dans la continuité de l’œuvre césarienne avec leurs propres déterminations faites d’attachement à la mémoire ancestrale, de lyrisme, de nostalgie d’espérance, de doute, de désenchantement – là, peut-être, se trouve le dessein poétique, rassembler en un tout les poèmes afin d’en faire une sorte de bilan, non pas bilan de la fureur et de la révolte, mais poèmes de la déréliction, de l’amertume, en bref, bilan d’une vie. En effet « Noria », qui apparaît en 1976, contient déjà en germe « Moi, laminaire ».
Les deux recueils, Comme un malentendu de salut et Noria, n’ont jamais fait l’objet d’édition critique. La thématique de ces poèmes s’entremêle avec celle de « Moi laminaire… », signant là un dessein unique. Véritable fil rouge de la poétique césarienne, un lien charnel unit la conscience du poète à la nature et au cosmos « abandon aux forces élémentaire… adéquation essentielle de l’homme à son pays… Pourquoi cette élection de la terre ? Parce qu’elle est, dans la naissance de l’homme, la première et temporairement la seule force à laquelle il peut demander force – ce recueil d’une étonnante jeunesse, est le plus serein d’Aimé Césaire, malgré l’angoisse et le doute sous-jacent, angoisse et doutes propres à tout être lucide et sensible, à la fin de sa vie » (Jacqueline Leiner).
… je ne rumine pas le remords… (Dérisoire) – détaché du monde, le poète se projette sur un futur indécis que baignent les brumes d’une conscience comme essoufflée d’avoir lutté sans trêve sur des parcours difficiles et rêvant d’une avalanche d’aube.
Aimé Césaire – Cavalier du temps et de l’écume (Étude thématique et critique de Comme un malentendu de Salut – Noria)
René Hénane, février 2013, 172 pages, 17,10 euros