« Ne m’appelle pas Capitaine », c’est le titre du roman de l’auteur haïtien Lyonel Trouillot à paraître le 22 août 2018 aux éditions Actes Sud.
Dans ce nouveau roman, Lyonel Trouillot établit une conversation inattendue entre « un vieil expert en arts martiaux vivant en solitaire dans un quartier pourri et une jeune bourgeoise de vingt ans, dans un monde dominé par les préjugés et les écarts sociaux ». Après Kannjawou (2016), « récit de l’entrée dans l’âge adulte de cinq jeunes… Dans un pays occupé, sous contrôle de la communauté internationale et marqué par la violence des rapports entre riches et pauvres », Lyonel Trouillot choisit de nouveau pour décor Port-au-Prince et livre dans Ne m’appelle pas Capitaine « le roman de l’impossible conversation » entre Aude et le Capitaine.
Une étudiante en journalisme issue de la grande bourgeoisie blanche de Port-au-Prince fait l’expérience de l’altérité en se penchant sur la mémoire d’un homme surnommé Capitaine, son quartier en désuétude jadis bastion des luttes politiques, ses fantômes et, ce faisant, trouve avec lui et d’autres « échoués » le chemin pour faire de la vie une cause commune.
Lyonel Trouillot retrouve ici l’altitude unique et enivrante de La Belle Amour humaine, aussi littéraire qu’universelle.
Quand Aude, aspirante journaliste, décide de frapper à la porte de Capitaine pour enquêter sur le Morne Dédé – un quartier de Port-au-Prince en déshérence qui connut son heure de gloire à l’époque de la dictature, lorsqu’il abritait les opposants -, elle n’est rien d’autre aux yeux du vieil homme qu’une jeune bourgeoise qui n’a connu que « des souffrances de contes de fées », l’héritière d’une longue tradition de familles opulentes ayant bâti leur fortune sur le dos des pauvres gens.
Mais à ce vieillard acariâtre figé dans son fauteuil, la jeune fille offre également l’occasion de déchirer le silence, provoquant d’abord sa colère, puis parvenant peu à peu à ressusciter le grand maître d’arts martiaux qu’il a autrefois été, du temps où il se battait pour faire vivre son club, un lieu d’apprentissage, du temps où une mystérieuse élève l’avait ensorcelé et enjoint à servir « la cause », une femme dont il était tombé fou amoureux avant de la haïr.
Parce qu’elle apprend, malgré elle, à poser un regard critique sur le milieu protégé dont elle est issue, où l’on se marie entre cousins pour perpétuer la couleur de peau des dominants en se frottant le moins possible aux « autres », qu’elle sait, dès lors, voir plus loin que le bout de son portail sécurisé, et peut-être parce que, à travers son grand frère Maxime, atteint de troubles psychiques, elle porte en elle l’altérité depuis sa naissance, Aude commence à faire sa place dans cet ailleurs. En la personne du vieil homme et de quelques jeunes « échoués », elle identifie un autre monde, une nouvelle humanité et, avec elle, le chemin pour faire de la vie une cause commune.
Ne m’appelle pas Capitaine, Lyonel Trouillot
Actes Sud
22 août 2018 – 160 pages
17,50 euros