Paru récemment aux éditions Idem, le recueil de nouvelles Partir sans passeport réunit les plumes des plusieurs écrivains, maillant ainsi les récits venus de Martinique, de Guadeloupe, de la Réunion, de la Guyane, de Tahiti ou encore de Nouvelle-Calédonie. Une compilation de textes sur le voyage dans ces îles et terres réparties sur plusieurs océans.
Présents au Salon du livre 2012 dans le cadre d’une rencontre organisée par l’association Promolecture, les auteurs, soulignant le bien-fondé de cet ouvrage, ont éveillé la curiosité du public. À tour de rôle, ils ont échangé sur les sensations, les événements, les personnages qui les ramènent à leurs terres et ont pénétré les lignes confiées à ce recueil.
Avec Partir sans passeport, l’éditeur facilite le rapprochement logique entre les auteurs et leurs diverses évocations littéraires, des hommes et femmes de lettres que leur insularité, leur ancrage géographique ou encore leur histoire incitent à s’unir et qui dans le même temps exaltent leur imaginaire pluriel. Ernest Pépin, auteur guadeloupéen du collectif, présent lors de cette rencontre, résumait l’ambition qui peut se traduire à travers la concrétisation et la publication de ce recueil de
nouvelles. Estimant que les auteurs « avaient un combat à mener qui était celui de réussir à construire un archipel des imaginaires », il a ouvert la porte à bien d’autres initiatives, dont l’objectif évident viserait à faire mieux connaître les littératures d’un territoire à l’autre. Dans Partir sans passeport, l’invitation au voyage d’Ernest pépin nous conduit sur la plage du Bois Jolan en Guadeloupe, lieu symbolique du patrimoine touristique de l’Île qui voit se confondre l’évocation du paysage et l’aspect fantastique d’un amour qui se défait. Dans cette nouvelle, il est question de relation, un mot qu’affectionne l’auteur dont l’un des postulats a toujours été de considérer que « dans une société, si on n’arrive pas à trouver l’harmonie conjugale, on ne peut rien bâtir… » Cette relation revit grâce au Bois Jolan et traduit l’un des messages auquel il tient : « c’est une façon de dire que nous devons aimer nos terres et nos paysages, parce que nous avons coutume de dire du mal de nos terres. »
Chez Suzanne Dracius, il est également question de la terre. En l’occurrence la société coloniale martiniquaise du 19e siècle, ses parfums, ses préjugés raciaux, le séjour de Gauguin au moment où se construit le canal du Panama, ou encore le peuple multiforme qui fait la belle complexité de ce pays. Autant de sujets qui lui donnent l’occasion d’interroger les imaginaires propres au lieu où l’auteur leur donne vie. C’est également le cas pour Charles-Henri Fargues qui, comme deux autres auteurs de Partir sans passeport, fait référence à la yole dans les nouvelles retenues pour cette parution. Une convergence des influences et des inspirations qui démontre de la force d’une tradition et d’un événement populaires sur la création et l’imaginaire littéraires.
La nouvelle de Jean-François Samlong, poète et romancier, prend vie dans l’avion. Dans La Réunion des pitons, des remparts et des cirques, c’est à partir de cet endroit clos que son esprit partira en voyage dans son île qui est « toujours en train de se faire ».
Chacun des auteurs, via sa nouvelle et le voyage pour lequel il invite le lecteur à le suivre, fait découvrir les différents visages de sa région, s’éloignant des habituels poncifs : le lecteur traverse tous ces pays avec un autre regard que les mondes qui s’y côtoient. Le collectif d’auteurs était largement représenté lors du Salon du livre. Tour à tour et au fil des extraits lus et commentés, les écrivains, parmi lesquels la poétesse polynésienne Flora Devatine et le romancier guadeloupéen Georges Brédent, ont fait leur le principe du Partir sans passeport. Et les futurs lecteurs de repartir avec la certitude « qu’à partir d’une nouvelle de quelques pages, on peut parcourir l’histoire d’un pays », comme l’a précisé Tchisseka Lobelt, journaliste qui préside en Guyane l’association Promolivres et qui animait cette rencontre.