Anthony Phelps s’est vu attribuer le Prix Carbet 2016 pour l’ensemble de son œuvre en décembre dernier en Guyane. Une distinction qu’il a reçue début janvier 2017 à la Maison de l’Amérique Latine à Paris, au cours d’une soirée poétique qui a fait le lien entre les contingences d’une vie hors du commun et des incursions dans la poésie de l’auteur Haïtien.
Le 5 janvier dernier, Anthony Phelps recevait officiellement le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde que lui avait décerné le jury en décembre 2016 à Cayenne. Une soirée poétique a donné l’occasion d’aller à la rencontre de l’univers poétique de l’auteur du récent Je veille, incorrigible féticheur et, pour les personnes présentes, de saisir, au travers d’un dialogue avec son éditeur Bruno Doucey, quelques-unes des circonstances qui ont accompagné son évolution en tant que poète.
De sa naissance en Haïti en 1928 à son statut actuel de « créateur d’exception » décrit par le chercheur et critique Yves Chemla (également rédacteur en chef d’Île-en-île), Anthony Phelps, amoureux de sports, co-fondateur du mouvement Haïti littéraire, contraint à l’exil pour échapper au régime duvaliériste, double récipiendaire du Prix Casa de las Américas (1980 pour La Bélière Caraïbe, 1987 pour Orchidée nègre), semble avoir vécu plusieurs vies. Passé par des études de chimie aux États-Unis, avant un parcours définitivement tourné vers la création littéraire et plus particulièrement la poésie à partir de sa rencontre avec la ville de Montréal, Yves Thébault et l’écriture radiophonique, au début des années 50. Aujourd’hui connu comme l’un des poètes caribéens les plus marquants de ce siècle, il a notamment imprégné de façon immuable l’imaginaire de la région avec Mon pays que voici, édité en 1968, après une sortie en disque deux ans plus tôt. Les éditions Mémoire d’encrier, qui en ont assuré la réédition, décrivent un ouvrage essentiel de la littérature haïtienne : « Ce long texte, divisé en quatre parties, est une marche poétique à l’intérieur de l’histoire d’Haïti. Mon pays que voici est un poème-témoignage qui a résisté au temps et qui, curieusement, continue à dire avec force la réalité d’un pays aux prises avec l’exploitation et l’aliénation. »
Au fil de lectures partagées, au centre desquelles les mots dits par Anthony Phelps lui-même, le public saisissait entre autres l’occasion d’appréhender en instantané sa poésie et l’éloquence de son amour à la fois pour les mots et pour son pays.
Le Prix Carbet 2016 récompense donc l’œuvre du poète, mais également du romancier qu’est Anthony Phelps, œuvre dans laquelle d’autres écrivains de la Caraïbe se sont plongés ou retrouvés. Depuis sa Guadeloupe natale, Ernest Pépin voit dans cette reconnaissance une « évidence limpide », comme il le témoigne dans un message adressé à Anthony Phelps. L’auteur guadeloupéen révélant notamment ses souvenirs d’étudiants détenant comme beaucoup d’autres trois objets : une photo du Che, un exemplaire de Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire et le disque d’Anthony Phelps Mon pays que voici.
Edouard Glissant, fondateur de l’Institut du Tout Monde qui porte le Prix Carbet, entretenait lui aussi un lien privilégié avec l’œuvre d’Anthony Phelps, lui dédiant son Discours antillais par un « Pour Haïti toujours debout. Fraternellement. », comme le dévoilait le poète haïtien lors de la soirée du 5 janvier dernier. En souvenir de cette parole vraie, le lauréat du prix Carbet 2016 a dit « accepter ce prix au nom de mon pays toujours debout, malgré les dictatures, la corruption de nombreux politiciens, malgré les tremblements de terres et les cyclones… »