Quatre ans après le séisme qui a dévasté Haïti, le 12 janvier 2010, France Culture organise sur son antenne une journée spéciale le vendredi 10 janvier. En parallèle, l’émission « A voix nue » reçoit Frankétienne pour une série d’entretiens diffusée du lundi au vendredi à 20 h.
Ce vendredi 10 janvier, France Culture revient en Haïti pour une journée d’antenne spéciale dès 6 h 30 en direct de Port-au-Prince. Enjeux politiques, économiques ou culturels quatre ans après : France Culture interroge la société haïtienne et dresse l’état des lieux de la reconstruction du pays.
Au programme :
6 h 30 – 9 h Les Matins par Marc Voinchet et la rédaction
12 h – 14 h La Grande table par Caroline Broué
18 h 15 – 19 h Le Magazine de la rédaction
0 h 35 Les Nuits
De ce lundi 6 au vendredi 10 janvier, l’émission « A voix nue » reçoit, pour une série d’entretiens, l’écrivain, peintre, musicien, dramaturge et comédien haïtien Frankétienne.
Lundi 6 janvier : 1/ L’Eveil
Cette première partie revient sur l’enfance et l’adolescence troublées du poète, marquées par l’absence du père, fondatrice de l’œuvre à venir.
Mardi 7 janvier : 2/ « Géographie du massacre »
Haïti, sa géographie, ses cataclysmes et ses catastrophes naturelles, ses déchirements politiques, et toute la douleur qui en découle irrigue véritablement toute l’œuvre de Frankétienne. Chacun de ses textes témoigne d’un moment de l’histoire d’Haïti, et surtout de cet amour profond, viscéral et ambivalent qu’il éprouve pour sa terre.
Forcé de rester dans son île après la grande grève étudiante de 1960, il commence à écrire de la poésie, influencé par les grandes plumes que sont Anthony Phelps, René Philoctète ou Marie Chauvet, tout en administrant un établissement d’enseignement supérieur.
Durant cet entretien, Frankétienne explore l’enfermement existentiel que constitue la géographie insulaire et la manière dont l’ambivalence est au cœur de sa création poétique et fictionnelle.
Mercredi 8 janvier : 3/ Du cercle à la spirale
Frankétienne est le théoricien de la spirale, cette nouvelle esthétique susceptible de capter les mouvements désordonnés et l’anarchie de la vie et à saisir la mystérieuse harmonie du chaos. Au cœur du spiralisme se trouve une croyance en le pouvoir absolu du langage que le poète cherchera toute sa vie à tordre pour lui rendre sa puissance première. L’année 1972 constitue un véritable tournant dans l’œuvre et la vie de Frankétienne, puisque parait Ultravocal, première œuvre spirale schizophone, tandis qu’il commence d’explorer l’art pictural à travers le Mouvement Saint-Soleil. C’est cette même année qu’il adopte définitivement le nom de « Frankétienne », devenant par là son propre père et créateur. Passant miraculeusement à travers les mailles de la dictature des Duvalier, ses textes fictionnels sont de plus en plus engagés politiquement, replaçant au cœur de l’enjeu romanesque la responsabilité du peuple face à son histoire.
Jeudi 9 janvier : 4/ Les mots marrons
Dans les années 70, Frankétienne, qui avait jusqu’alors privilégié le français, s’empare du créole. Retour aux sources de la culture haïtienne et à la langue maternelle, ce nouveau rapport à la langue et à la création poétique et fictionnelle va bouleverser son rapport à l’écriture, aux mots, qui deviennent de véritables portes d’entrée de la résistance. C’est dans cette même optique qu’il s’attelle à l’écriture dramatique, rencontrant un public beaucoup plus populaire. Interprétant lui-même certains de ses personnages, il inscrit l’engagement au cœur de l’expérience théâtrale et invente un nouveau type de mise en scène directement inspiré des rituels vaudous. Il devient une véritable figure auprès de la population haïtienne qui n’hésite pas à l’interpeller dans la rue et à se précipiter chez lui en cas de séisme ou d’ouragan. Ses pièces ont un succès sans précédent, notamment Pélentèt, créée en 1978 qui connaît un énorme retentissement dans tout le pays. Censuré, accusé de complot, Frankétienne trouve encore une nouvelle manière de rester ce « témoin du réel », volonté qui l’a habité toute sa vie.
Vendredi 10 janvier : 5/ Jeux de miroirs
Artiste reconnu en Haïti, la renommée de Frankétienne devient internationale. Ses pièces sont jouées et reprises dans de nombreux pays, des expositions de son travail pictural attirent de plus en plus de spectateurs. Arrivé à maturité, il entreprend de réécrire certaines de ses œuvres, tandis que l’écriture autobiographique revêt une autre forme, mêlant écriture, peinture et collages. Ces réécritures, ces échos semblent être une tentative de réconciliation du soi pour tenter de contrer enfin la « tragédie du double » qui l’a hanté toute sa vie (métissage, « schizophonie », gémellité). Dans cette dernière période, qui le voit voyager et quitter son pays pour la première fois à l’âge de 51 ans, et devenir pour quelques mois ministre de la Culture, l’œuvre de Frankétienne atteint la plénitude. La « magicriture » – connaissance de soi par l’écriture – devient le mot qui résume toute son entreprise.